Les incidences du haut débit sur la situation générale de l’Afriquë

Posté par mediatic le 18 juin 2010

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La pose annon­cée d’un câble sous marin assu­rant une liai­son très haut débit sur toute la façade ouest du conti­nent Africain, qui vien­dra com­plé­ter un dis­po­si­tif haut débit en place depuis peu annonce une décen­nie de chan­ge­ment radi­caux pour toute une par­tie de l’Afrique.

Entre les dif­fé­rents dis­po­si­tifs mis en place par des consor­tiums télé­com français ou amé­ri­cains, plus un seul pays de l’Afrique de l’ouest n’est désor­mais coupé du très haut débit, et ceci pour un prix divisé par 10. En tout, c’est plus d’une ving­taine de pays, dont une large par­tie sont fran­co­phones (et dont tous pra­tiquent cou­ram­ment une langue Européenne), qui vont pou­voir tirer par­tie, dans la décen­nie à venir, de l’économie numé­rique et de la société du savoir.

Pour ceux qui sau­ront prendre le train du numé­rique qui entre en gare, les bou­le­ver­se­ments à venir s’annoncent consi­dé­rables, non seule­ment au plan natio­nal, mais égale­ment au niveau du conti­nent Africain tout entier, de sa rela­tion avec le Nord, et avec la France en particulier.

Les sec­teurs qui pour­raient connaitre une trans­for­ma­tion radi­cale sont nom­breux, et pour peu que cela soit cor­rec­te­ment orches­tré, l’entrée de l’Afrique sub Saharienne dans la société du numé­rique pour­rait pro­fi­ter mas­si­ve­ment à l’ensemble de sa population.

Un pari qu’ont déjà relevé plu­sieurs pays d’Afrique du nord, qui mobi­lisent des inves­tis­se­ments colos­saux, comme au Maroc, où plus de 700 mil­lions d’euros ont été alloués à un plan de déve­lop­pe­ment «Maroc Numéric 2013» des­tiné à ame­ner à 13% du Produit National Brut la part liée aux nou­velles technologies.

Economie

Avec l’accélération du télé­tra­vail au Nord, les délo­ca­li­sa­tions ne seront plus à l’avenir l’apanage de l’industrie. Comme ce fut le cas entre les Etats-Unis et l’Inde, on pour­rait assis­ter à une délo­ca­li­sa­tion pro­gres­sive du sec­teur des ser­vices vers l’Afrique où les diplô­més ne manquent pas, parlent la même langue, et son situés, qui plus est, dans un cré­neau horaire par­fai­te­ment com­pa­tible avec les heures d’ouverture des bureaux en Europe.

Du gra­phisme à la comp­ta­bi­lité en pas­sant par l’informatique, ce sont ainsi des mil­liers d’entreprises du sec­teur ter­tiaire qui pour­raient, grâce au haut débit, naître un peu par­tout en Afrique et pro­po­ser leurs ser­vices aux socié­tés occi­den­tales à la recherche de sou­plesse et de réduc­tion de leurs coûts, en par­ti­cu­lier pour des fonc­tions qu’elle jugent peu stra­té­giques. Cela vous semble fou ? Affiliated Computer Services, une société Texane spé­cia­lisé dans l’outsourcing de ser­vices, est pour­tant dors et déjà le pre­mier employeur privé du Ghana.

On pour­rait même assis­ter à des spé­cia­li­sa­tions dans cer­tains pays, et même, pour les plus oppor­tu­nistes, à un véri­table boom de l’économie des ser­vices, appe­lée à repré­sen­ter une par­tie conséquente du PIB et une pro­por­tion impor­tante de la crois­sance, à l’image de l’île Maurice, qui a connu une telle période d’euphorie ces dix der­nières années.

Après avoir pillé ses matières pre­mières durant plu­sieurs siècles et avoir annoncé son inten­tion de faire de même avec sa matière grise sous la ter­mi­no­lo­gie d’ «émigra­tion choi­sie», c’est en pra­tique le contraire qui pour­rait prendre place. Un joli pied de nez à l’histoire, qu’internet n’a pas fini de bou­le­ver­ser, tout comme l’imprimerie en son temps.

Education

Dans un conti­nent où la popu­la­tion est beau­coup plus jeune qu’au Nord, l’éducation est plus encore qu’ailleurs le meilleur inves­tis­se­ment qu’un pays puisse faire pour son ave­nir, or là aussi, inter­net a tous les atouts pour chan­ger de façon radi­cale les fon­da­men­taux de cette équa­tion.

L’homme a toujours su s’adapter aux réa­li­tés de sa situa­tion, mais avant d’affronter les pro­blèmes auxquels il doit faire face, il doit être en mesure de les voir clai­re­ment. A cet égard, l’éducation est un outil vital dont inter­net est en passe de deve­nir la clé du déve­lop­pe­ment en Afrique.

L’eLearning, déjà lar­ge­ment expé­ri­menté en Europe, aux Etats-Unis, mais aussi un peu par­tout en Afrique, même s’il est loin de pou­voir se sub­sti­tuer aux modèles tra­di­tion­nels de l’enseignement, a pour lui le mérite de pou­voir en abais­ser les coûts et de per­mettre une mon­tée en puis­sance rapide de la capa­cité de for­ma­tion d’un pays.

Au delà de la sco­la­rité, l’eLearning recèle aussi une mine d’opportunités pour ce qui est de la for­ma­tion per­ma­nente, et là encore, le jeune âge des popu­la­tions afri­caines laisse entre­voir un public par nature moins réti­cent à l’outil infor­ma­tique pour se for­mer tout au long de la vie.

Au pas­sage, la France dis­pose d’une col­lec­tion qui com­mence à être conséquente en terme de maté­riel péda­go­gique en ligne, qu’elle pour­rait tout a fait envi­sa­ger de par­ta­ger (il suf­fi­rait d’appliquer les dis­po­si­tifs de la DAVDSI rela­tifs aux droits d’auteur dans les docu­ments pédagogiques).

Les ensei­gnants ont mon­tré leur capa­cité à créer des outils péda­go­giques numé­riques dis­po­nibles gra­tui­te­ment en dehors des sys­tèmes com­mer­ciaux, et hors de l’emprise du copy­right, c’est d’ailleurs un mou­ve­ment qui, même en France, semble iné­luc­table tant les réduc­tions de coûts semblent indispensables.

Ce cor­pus péda­go­gique, qui fait désor­mais parti du bien com­mun de l’humanité, ne va ces­ser de croitre dans les années à venir et pour­rait pro­fi­ter demain tout autant à un élève de pri­maire de Rennes qu’à celui de Brazzaville.

Même si l’infrastructure n’est pas le seul frein, loin de là, à l’avancée de l’eLearning en Afrique, celui-ci devrait pour ainsi dire dis­pa­raitre petit à petit, per­met­tant aux dif­fé­rents acteurs du sys­tème de se concen­trer sur les der­niers obs­tacles à l’exten­sion des der­nières tech­no­lo­gies de l’éducation.

En pous­sant vers le haut le sys­tème éduca­tif Africain et en per­met­tant à un plus grand nombre de ses citoyens d’accéder aux savoirs, l’Afrique pour­rait ainsi rele­ver un autre défi qui se pose à elle pour le XXIe siècle et qui marque­rait sym­bo­lique­ment son acces­sion à la société du savoir : ins­crire l’un des sien dans la liste des prix Nobel en sciences.

Santé publique

Mais l’eLearning peut égale­ment ser­vir à des objec­tifs de santé public, comme la lutte contre le Sida, ce que sou­li­gnait déjà en 2008 un rap­port de l’Institut de Recherche pour le Développement. L’eLearning peut se mettre au ser­vice de la lutte contre les mul­tiples pro­blé­ma­tiques sani­taires, qu’une meilleure infor­ma­tion des popu­la­tions peut gran­de­ment contri­buer à enrayer, et qui empoi­sonnent encore de nom­breuses zones du conti­nent Africain.

Ajoutez à la popu­la­ri­sa­tion de notions d’hygiène quelques notions de nutri­tion, et l’effet démo­gra­phique pour­rait deve­nir radi­cal : chute de la mor­ta­lité infan­tile et aug­men­ta­tion de la durée de vie (et non, une aug­men­ta­tion de la popu­la­tion ne serait pas une catas­trophe, bien au contraire).

Médecine

Le mobile a déjà lar­ge­ment fait ses preuves pour ce qui est de la démo­cra­ti­sa­tion des ser­vices de méde­cine sur le conti­nent Africain, en par­ti­cu­lier dans les zones où le per­son­nel médi­cal vient à manquer, mais le très haut débit pour­rait appor­ter sur le conti­nent des inno­va­tions en terme de télé­mé­de­cine, per­met­tant à la qua­lité des soins de s’améliorer de façon considérable.

De l’opération chi­rur­gi­cale réa­li­sée à dis­tance – pro­ba­ble­ment ce qu’il y a de plus impres­sion­nant en télé­mé­de­cine, mais égale­ment de plus expé­ri­men­tal à ce jour – au diag­nos­tic réa­lisé à dis­tance, quelque chose de cou­rant désor­mais aux Etats Unis où les radio­logues Indiens sont très pré­sents et effec­tuent leurs diag­nos­tics à dis­tance, le sec­teur médi­cal qui évolue à grand pas dans le monde du numé­rique, pour­rait voir l’Afrique pro­fi­ter plei­ne­ment de ses der­nières innovations.

Au regard du sort réservé dans les hôpi­taux Français aux diplô­més de méde­cine issus du conti­nent Africain, un retour au pays où leurs com­pé­tences seraient recon­nues à leur juste valeur serait, là encore, un pied de nez cocasse fait par l’internet à une poli­tique d’émigration discutable.

Accessoirement, ce serait une mau­vaise nou­velle pour les hôpi­taux Français qui ont cruel­le­ment besoin de cette main d’œuvre peu chère, com­pé­tente, et cor­véable à merci. Une vision plus opti­miste serait d’envisager des pro­grammes de coopé­ra­tion Nord-Sud sur la télé­mé­de­cine, mutuel­le­ment bénéfiques.

Média

Il existe déjà de nom­breux média sociaux Africains, et la plu­part des pays d’Afrique ont aujourd’hui leurs por­tails d’information, mais le mar­ché est loin d’être arrivé à matu­rité, et avec l’arrivée et la démo­cra­ti­sa­tion de l’accès à inter­net, il y a fort à parier que le mar­ché de l’information explose. Qu’il s’agisse de jour­naux en ligne ou de blogs per­son­nels, le Nord a clai­re­ment mon­tré que l’usage mas­sif par les popu­la­tions de l’outil inter­net s’accompagnait inexo­ra­ble­ment d’une explo­sion et d’une redé­fi­ni­tion du sec­teur média.

La situa­tion sur place est fort dif­fé­rente de ce que l’on connait ici, et l’avenir dira si l’on assis­tera à un déploie­ment des média tra­di­tion­nels sur le numé­rique ou si de nou­veaux acteurs se feront jour pour deve­nir demain de véri­tables petits empires média­tiques natio­naux, voir trans nationaux.

Une chose est cer­taine cepen­dant, le sec­teur va connaitre une évolu­tion rapide dans la décen­nie à venir.

Longtemps res­tée sur un modèle média où la radio domi­nait lar­ge­ment, l’Afrique pour­rait tout sim­ple­ment zap­per l’étape de la télé­vi­sion domi­nante et aller direc­te­ment à la phase des média numé­riques, notam­ment mobiles. Une évolu­tion qui semble col­ler avec les déve­lop­pe­ments de France24, très pré­sent sur le conti­nent Africain, qui donne, au fur et à mesure des ses dif­fé­rentes ver­sions, l’impression que la télé­vi­sion n’est qu’une étape vers une autre forme de média d’information mêlant vidéo, inter­net et mobi­lité, où l’actualité elle même est en par­tie issue de réseaux citoyens orches­trés par des jour­na­listes.

Vie sociale et culturelle

La Tunisie a mon­tré a quel point un outil comme Facebook pou­vait se retrou­ver dans une situa­tion cen­trale pour l’animation et le déve­lop­pe­ment de la vie sociale et cultu­relle, les autres pays d’Afrique n’ont aucune rai­son de ne pas suivre ce che­min, que ce soit sur Facebook ou sur d’autres sys­tème sociaux, comme Twitter, qui a une très belle carte à jouer en Afrique ou de nou­veaux entrants dans le sec­teur des média sociaux, qui auront su pro­po­ser une for­mule adap­tée à la culture locale. Il n’est pas impos­sible non plus qu’un des nom­breux acteurs de la scène star­tup afri­caine rem­porte le mar­ché de la vie sociale en ligne en Afrique de l’Ouest.

Montée en puis­sance de la eFrancophonie

Parmi les pays de la côte ouest Africaine désor­mais reliés mas­si­ve­ment à inter­net se trouvent un grand nombre de pays fran­co­phones, et la pos­si­bi­lité pour des mil­lions d’habitants de dis­po­ser d’outils d’autopublication gra­tuits tels que les blogs ne peut qu’avoir un effet radi­cal sur la fran­co­pho­nie sur internet.

Au début des années 90, la fran­co­pho­nie sur inter­net était domi­née par les Québécois, le temps pour les Français d’oublier le mini­tel pour entrer timi­de­ment, à la fin des années 90, dans l’ère du numé­rique. Les années 2010 pour­rait marquer l’arrivée des Africains dans la fran­co­pho­nie numé­rique, et impac­ter dura­ble­ment la Culture de la langue française.

La culture des pays d’Afrique fran­co­phone a toutes les chances de prendre une place plus impor­tante dans la décen­nie à venir. Jusqu’ici négli­gée par les média tra­di­tion­nels et relé­guée à des niches, la voici, avec inter­net, dans la posi­tion de par­ti­ci­per plei­ne­ment à la culture du XXIe siècle d’une façon bien plus proac­tive que durant le siècle pré­cé­dent, où même si son apport à l’art contem­po­rain est incon­tes­table, elle n’a pas eu l’occasion de mai­tri­ser son impact et moins encore d’en tirer un quel­conque bénéfice.

Même si la musique du siècle passé a lar­ge­ment puisé dans des racines afri­caines, il fau­dra, grâce au numé­rique, faire désor­mais avec toutes les palettes de la culture d’un conti­nent tout entier : cinéma, art contem­po­rain, lit­té­ra­ture, mytho­lo­gies… Le réser­voir est immense et pro­met de don­ner à ceux qui s’en empa­re­ront un rôle de pre­mier plan dans la culture du XXIe siècle, où le poids des réseaux de dis­tri­bu­tion et des mass média aux mains des pays du nord aura bien moins d’impact sur la Culture qu’il n’en a eu au XXe siècle.

Après la Coupe du Monde de Football – qui ne durera qu’un temps – la Culture est sans aucun doute le moyen de plus sûr et le plus «durable» de proje­ter dans le monde entier une image posi­tive du conti­nent Africain, apte à com­pen­ser une image d’Epinal peu flat­teuse véhi­cu­lée par un Nord qui se com­plait dans une supé­rio­rité cultu­relle qui repose, en grande par­tie, sur la puis­sance décli­nante de son indus­trie cultu­relle et son cir­cuit de dis­tri­bu­tion obsolète.

Agriculture

L’agriculture en Afrique n’a pas été mas­si­ve­ment indus­tria­li­sée comme au Nord, c’est à la fois une chance – pour l’environnement – et un drame, car il lui faut nour­rir une popu­la­tion de plus en plus nombreuse.

Internet, là aussi, peu appor­ter un plus indé­niable, notam­ment en met­tant en place des outils per­met­tant aux agri­cul­teurs de par­ta­ger leurs savoirs faire afin d’augmenter l’efficacité de leurs fermes sans pour autant sacri­fier l’environnement.

L’arrivée et la péné­tra­tion pro­gres­sive de l’internet dans le ter­ri­toire Africain pour­rait dyna­mi­ser le sec­teur agri­cole et lui offrir une voie en matière de déve­lop­pe­ment radi­ca­le­ment dif­fé­rente de celle emprunté dans les pays déve­lop­pés durant le XXe siècle.

Un espoir, tant pour la pré­ser­va­tion de la nature que pour la popu­la­tion tout entière, qui pour­rait ainsi béné­fi­cier des gains sub­stan­tiel de pro­duc­ti­vité appor­tés par les nou­velles tech­no­lo­gies.

Avec la mon­tée en puis­sance de l’agriculture, on peut égale­ment ima­gi­ner l’arrivée d’une indus­trie agro-alimentaire locale, ce qui per­met­trait au pays d’être moins dépour­vus face aux varia­tion des matières pre­mières agricole.

Internet pourra égale­ment ser­vir de vitrine aux pro­duc­tions agri­coles locales, et à la défense d’un patri­moine qui, comme par­tout ailleurs, se retrouve sou­vent en dan­ger, comme le miel Malgache, en voie de dis­pa­ri­tion (à vrai dire ce sont plu­tôt les abeilles qui sont mena­cées). La valo­ri­sa­tion par les tech­no­lo­gies de l’information de ce patri­moine agri­cole pour­rait demain per­mettre d’ouvrir de nou­veaux mar­chés, et per­met­trait égale­ment d’assoir le com­merce équi­table sur une véri­table rela­tion entre pro­duc­teurs et consom­ma­teurs, incar­née par des média sociaux.

Conclusion (pro­vi­soire)

L’internet apporte une mine d’opportunités au conti­nent Africain, mais il existe bien sûr des spé­ci­fi­ci­tés et des obs­tacles avec lesquels il devra faire face, que nous pas­se­ront en revue dans un pro­chain article.

Le champ des pos­sibles n’est reste pas moins immense, et la course est lancée.

Fabrice Epelboin

http://fr.readwriteweb.com/2010/06/15/a-la-une/afrique-en-haut-debit/

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